Rwanda: Cartographie des crimes
Rwanda: cartographie des crimes du livre "In Praise of Blood, the crimes of the RPF" de Judi Rever
Kagame devra être livré aux Rwandais pour répondre à ses crimes: la meilleure option de réconciliation nationale entre les Hutus et les Tutsis.
Let us remember Our People
Let us remember our people, it is our right
You can't stop thinking
Don't you know
Rwandans are talkin' 'bout a revolution
It sounds like a whisper
The majority Hutus and interior Tutsi are gonna rise up
And get their share
SurViVors are gonna rise up
And take what's theirs.
We're the survivors, yes: the Hutu survivors!
Yes, we're the survivors, like Daniel out of the lions' den
(Hutu survivors) Survivors, survivors!
Get up, stand up, stand up for your rights
et up, stand up, don't give up the fight
“I’m never gonna hold you like I did / Or say I love you to the kids / You’re never gonna see it in my eyes / It’s not gonna hurt me when you cry / I’m not gonna miss you.”
The situation is undeniably hurtful but we can'stop thinking we’re heartbroken over the loss of our beloved ones.
"You can't separate peace from freedom because no one can be at peace unless he has his freedom".
Malcolm X
Welcome to Home Truths
The year is 1994, the Fruitful year and the Start of a long epoch of the Rwandan RPF bloody dictatorship. Rwanda and DRC have become a unique arena and fertile ground for wars and lies. Tutsi RPF members deny Rights and Justice to the Hutu majority, to Interior Tutsis, to Congolese people, publicly claim the status of victim as the only SurViVors while millions of Hutu, interior Tutsi and Congolese people were butchered. Please make RPF criminals a Day One priority. Allow voices of the REAL victims to be heard.
Everybody Hurts
“Everybody Hurts” is one of the rare songs on this list that actually offers catharsis. It’s beautifully simple: you’re sad, but you’re not alone because “everybody hurts, everybody cries.” You’re human, in other words, and we all have our moments. So take R.E.M.’s advice, “take comfort in your friends,” blast this song, have yourself a good cry, and then move on. You’ll feel better, I promise.—Bonnie Stiernberg
KAGAME - GENOCIDAIRE
Paul Kagame admits ordering...
Paul Kagame admits ordering the 1994 assassination of President Juvenal Habyarimana of Rwanda.
Why did Kagame this to me?
Inzira ndende
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Hutu Children & their Mums
Rwanda-rebranding
Rwanda-rebranding-Targeting dissidents inside and abroad, despite war crimes and repression
Rwanda has “A well primed PR machine”, and that this has been key in “persuading the key members of the international community that it has an exemplary constitution emphasizing democracy, power-sharing, and human rights which it fully respects”. It concluded: “The truth is, however, the opposite. What you see is not what you get: A FAÇADE”
Rwanda has hired several PR firms to work on deflecting criticism, and rebranding the country.
Targeting dissidents abroad
One of the more worrying aspects of Racepoint’s objectives
was to “Educate and correct the ill informed and factually
incorrect information perpetuated by certain groups of expatriates
and NGOs,” including, presumably, the critiques
of the crackdown on dissent among political opponents
overseas.
This should be seen in the context of accusations
that Rwanda has plotted to kill dissidents abroad. A
recent investigation by the Globe and Mail claims, “Rwandan
exiles in both South Africa and Belgium – speaking in clandestine meetings in secure locations because of their fears of attack – gave detailed accounts of being recruited to assassinate critics of President Kagame….
Ways To Get Rid of Kagame
How to proceed for revolution in Rwanda:
- The people should overthrow the Rwandan dictator (often put in place by foreign agencies) and throw him, along with his henchmen and family, out of the country – e.g., the Shah of Iran, Marcos of Philippines.Compaore of Burkina Faso
- Rwandans organize a violent revolution and have the dictator killed – e.g., Ceaucescu in Romania.
- Foreign powers (till then maintaining the dictator) force the dictator to exile without armed intervention – e.g. Mátyás Rákosi of Hungary was exiled by the Soviets to Kirgizia in 1970 to “seek medical attention”.
- Foreign powers march in and remove the dictator (whom they either instated or helped earlier) – e.g. Saddam Hussein of Iraq or Manuel Noriega of Panama.
- The dictator kills himself in an act of desperation – e.g., Hitler in 1945.
- The dictator is assassinated by people near him – e.g., Julius Caesar of Rome in 44 AD was stabbed by 60-70 people (only one wound was fatal though).
- Organise strikes and unrest to paralyze the country and convince even the army not to support the dictaor – e.g., Jorge Ubico y Castañeda was ousted in Guatemala in 1944 and Guatemala became democratic, Recedntly in Burkina Faso with the dictator Blaise Compaoré.
Almighty God :Justice for US
Killing Hutus on daily basis
RPF Trade Mark: Akandoya
Fighting For Our Freedom?
KAGAME VS JUSTICE
Tuesday, January 26, 2010
26-01-10
Analyse du rapport Mutsinzi sur l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion présidentiel rwandais[1]
Filip Reyntjens
Résumé
Le rapport de la commission Mutsinzi a pour objet de démontrer que l’avion du président Habyarimana n’a pas été abattu par le FPR, comme l’a conclu l’instruction du juge français Bruguière, mais par des radicaux hutu proches de la principale victime. Le rapport soulève nombre de questions importantes. Le comité Mutsinzi se targue de son impartialité mais tous les commissaires sont membres du FPR, ce qui le rend juge et partie. Ceci est très clair dès les premières pages et se confirme à travers l’esnemble du rapport, puisque l’enquête ne va que dans une seule direction, celle des extrémistes hutu, alors que les données mettant en cause le FPR sont systématiquement ignorées. Le comité dit avoir interrogé des centaines de témoins, mais la crédibilité de leurs déclarations est sujette à caution. Parmi ceux identifiés, des dizaines sont des membres de l’ancienne armée gouvernementale FAR ; entendus dans un contexte de crainte d’arrestation ou pire et sachant très bien ce que ceux au pouvoir voulaient leur entendre dire, leurs témoignages ne sont guère probants. De nombreux exemples dans le rapport montrent que la méthode employée par le comité n’est pas sans soulever de sérieuses réserves: celui-ci présente d’abord des hypothèses non prouvées voire même des contrevérités comme des faits, et l’accumulation de ces « faits » permet ensuite de dégager la « vérité ». La conclusion à laquelle aboutit le comité ne trouve pas de fondement crédible dans les données qui se dégagent de l’enquête. Nous sommes dès lors aujourd’hui confrontés à deux « vérités » sur l’attentat : celle issue de l’instruction Bruguière et celle du rapport Mutsinzi. Les deux indiquent des suspects, même s’ils sont différents, et constatent qu’un crime a été commis. La façon naturelle pour aborder un problème pareil est de mener un débat contradictoire devant une juridiction pénale. Il semble cependant que tant le Rwanda que la France , souhaitant normaliser leurs relations, soient entrainés à sacrifier l’exigence de justice à l’opportunisme politique. Le peuple rwandais mérite mieux.
Le rapport de la commission Mutsinzi a pour objet de démontrer que l’avion du président Habyarimana n’a pas été abattu par le FPR, comme l’a conclu l’instruction du juge français Bruguière, mais par des radicaux hutu proches de la principale victime. Le rapport soulève nombre de questions importantes. Le comité Mutsinzi se targue de son impartialité mais tous les commissaires sont membres du FPR, ce qui le rend juge et partie. Ceci est très clair dès les premières pages et se confirme à travers l’esnemble du rapport, puisque l’enquête ne va que dans une seule direction, celle des extrémistes hutu, alors que les données mettant en cause le FPR sont systématiquement ignorées. Le comité dit avoir interrogé des centaines de témoins, mais la crédibilité de leurs déclarations est sujette à caution. Parmi ceux identifiés, des dizaines sont des membres de l’ancienne armée gouvernementale FAR ; entendus dans un contexte de crainte d’arrestation ou pire et sachant très bien ce que ceux au pouvoir voulaient leur entendre dire, leurs témoignages ne sont guère probants. De nombreux exemples dans le rapport montrent que la méthode employée par le comité n’est pas sans soulever de sérieuses réserves: celui-ci présente d’abord des hypothèses non prouvées voire même des contrevérités comme des faits, et l’accumulation de ces « faits » permet ensuite de dégager la « vérité ». La conclusion à laquelle aboutit le comité ne trouve pas de fondement crédible dans les données qui se dégagent de l’enquête. Nous sommes dès lors aujourd’hui confrontés à deux « vérités » sur l’attentat : celle issue de l’instruction Bruguière et celle du rapport Mutsinzi. Les deux indiquent des suspects, même s’ils sont différents, et constatent qu’un crime a été commis. La façon naturelle pour aborder un problème pareil est de mener un débat contradictoire devant une juridiction pénale. Il semble cependant que tant le Rwanda que la France , souhaitant normaliser leurs relations, soient entrainés à sacrifier l’exigence de justice à l’opportunisme politique. Le peuple rwandais mérite mieux.
Introduction
Le comité Mutsinzi est créé par arrêté du Premier Ministre le 16 avril 2007, treize ans après l’événement sur lequel il doit enquêter, mais cinq mois après la sortie, le 17 novembre 2006, de l’ordonnance de soit-communiqué du juge Bruguière auquel il doit fournir une réponse. Le rapport du comité, daté 20 avril 2009, est remis au gouvernement rwandais le 7 mai 2009. Un communiqué du conseil des ministres indique qu’il « sera rendu public dans les prochains jours »[2]. Mais la publication tarde, et l’on ne peut qu’émettre une hypothèse sur les raisons de ce retard. En effet, en novembre 2008, la mise en examen par la justice française de Rose Kabuye, une des neuf personnes visées par l’ordonnance, permet au Rwanda d’avoir accès au dossier d’instruction, et il est probable que le rapport a été adapté, voire augmenté à la lumière d’éléments du dossier parisien, qui y est cité à plusieurs reprises. Après une longue attente, la revue Continental Magazine tire profit d’une fuite et publie des extraits du rapport dans sa livraison du 4 décembre 2009, sept mois après le dépôt du texte[3]. Le rapport est disponible sur internet à partir du 7 janvier 2010, mais il n’est officiellement publié par le gouvernement que le 11 janvier.
Je propose ici une analyse du rapport, basée tant sur le rapport lui-même que sur des éléments connus par ailleurs sur l’attentat. Avant de faire ce commentaire, trois éléments d’ordre général méritent d’être signalés. Le premier a trait au caractère « indépendant » du comité, tel que suggéré par son nom. D’abord, le comité a été mis en place et ses membres ont été désignés par une partie mise en cause dans l’affaire sur laquelle elle est censée enquêter, c’est-à-dire le FPR, qui domine largement le gouvernement. D’après les informations dont je dispose, tous ses membres sont membre du FPR. C’est donc comme si on demandait à un meurtrier d’instruire son propre dossier.
Le deuxième concerne la teneur de l’enquête. En effet, le comité fait exactement ce que le régime rwandais reproche à l’instruction du juge Bruguière, puisqu’il mène son enquête à direction unique, et non pas à charge et à décharge : il s’agit de démontrer l’innocence du FPR et la culpabilité des extrémistes hutu, aidés « quelque peu » par certains Français. Le ton est donné dès les premières pages. Sous le titre « Méthodologie utilisée », le comité observe que « les autorités rwandaises de l’après-génocide (…) n’ont peut-être pas mesuré l’impact préjudiciable des accusations de nature idéologique proférées par les génocidaires et leurs alliés, constamment répétées avec le relais de puissants réseaux négationnistes dans divers pays ». Le comité affirme que « [c]ette propagande a connu un nouveau retentissement avec l’Ordonnance Bruguière de novembre 2006, résultat d’une enquête biaisée, engagée à l’initiative d’un mercenaire[4] au service de la famille de l’ancien président de la République du Rwanda, et conduite au mépris de toutes les règles de croisement des sources, de vérification, d’équité et de crédibilité » (p. 6)[5]. Dans la seconde partie, intitulée « Responsabilité s », le rapport consacre exactement deux pages à l’ « incrimination du Front Patriotique Rwandais » et conclut ensuite que le comité a passé au crible les différentes hypothèses et a fini par être convaincu que la responsabilité des ex-FAR est pleinement engagée dans la préparation et dans l’exécution de l’attentat » (p. 110), ce qu’il essaie de démontrer par la suite.
Troisièmement, tout comme dans le rapport Mucyo[6], de nombreux témoignages posent problème. On ne sait pas dans quelles conditions les témoins ont été interrogés et on ne peut évidemment pas les contre-interroger. Ainsi, de nombreux témoignages ont été recueillis d’anciens membres de la Garde Présidentielle , qui a été un des fers de lance du génocide : on peut s’imaginer les pressions auxquelles ces personnes extrêmement fragiles (puisque constamment menacées de poursuites pour leur rôle en 1994) ont pu être soumises. Je reviendrai sur cette question dont l’influence sur la crédibilité du rapport est fondamentale.
Dans un rapport comme celui-ci, tout dépend de l’authenticité des faits ; l’interprétation vient ensuite et se fonde sur ces faits. C’est ici que réside la grande faiblesse de ce rapport. Tout comme la commission Mucyo, « chargée de rassembler les preuves montrant l’implication de l’Etat français dans le génocide », le comité Mutsinzi part d’un postulat : il est chargé de rassembler les preuves montrant l’innocence du FPR et la culpabilité des FAR dans l’attentat. Nous verrons que cela amène le comité à procéder à chaque fois de la même façon : il part de supputations non prouvées et parfois de contrevérités qu’il érige en faits ; à leur tout, ces faits permettent de dégager une vérité.
Je parcours maintenant le rapport, en suivant sa structure. Je n’aborderai que quelques passages importants, sans m’arrêter aux nombreux détails qui dérangent, notamment là où le comité utilise sélectivement ses sources, ne retenant que ce qui appuie sa thèse et passant sous silence ce qui met en cause le FPR, par exemple dans l’exposé sur le « Contexte politique précédant l’attentat du 06 avril 1994 » (p. 9-17).
Complot contre le président Habyarimana
La première partie est intitulée « Les circonstances du projet d’attentat et de son exécution » (p. 18-97). La section « Révélation avant l’attentat contre son avion, d’un complot visant l’assassinat imminent du président Habyarimana » (p. 19-29) contient des données déjà connues depuis longtemps, et dont certaines au moins ne se sont pas avérées sérieuses. Il est ainsi question d’un article paru dans le numéro spécial 53 du journal Kangura (décembre 1993) sous le titre « Habyarimana mourra en mars 1994 », mais cet article annonce qu’il sera tué de la manière suivante : « 1. être fusillé en pleine messe ; 2. être fusillé dans une réunion importante à laquelle il aura assisté avec les autres dirigeants de son époque ». Un bobard, donc. Pour le reste, il n’est question que de rumeurs, d’idées, de plans, d’intentions, mais d’aucun projet ni d’aucune préparation concrets. Par ailleurs, lorsque certaines personnes, dont l’avocat belge Johan Scheers, mettent en garde le président, les craintes d’un attentat contre l’avion pouvaient tout aussi bien situer la menace dans le camp du FPR.
Quant à la section « Organisation et enjeux du Sommet de Dar-es-Salaam » (p. 29-42), elle contient de nombreuses supputations, notamment sur les raisons pour lesquelles le chef d’Etat-major des FAR, le général Nsabimana, était à bord de l’avion. Interrogé par le comité, Runyinya Barabwiriza donne sans doute la réponse : « C’était le ministre de la défense qui devait s’y [à Dar-es-Salaam] rendre (…) mais il était absent[7]. Je crois que Nsabimana a été désigné pour le remplacer » (p. 33)[8]. Rien ne « révèle que l’envoi du général Nsabimana à Dar-es-Salaam fut décidé par Bagosora dans un but précis de trouver la liberté d’exécuter un plan de génocide que Nsabimana ne cautionnait pas dans toute sa teneur » (p. 33)[9]. Même le déplacement du secrétaire particulier du président Habyarimana, le colonel Sagatwa –pourtant considéré comme faisant partie du camp Bagosora–, fait soudain mystère. D’après un témoin, il devait se rendre aux Etats-Unis et « je n’ai donc pas compris de revirement de dernière minute d’envoyer Sagatwa à Dar-es-Salaam » (p. 37). Celui-ci, n’aurait-il donc pas souscrit au projet de génocide total ? La réalité est bien plus simple, puisque le Colonel Sagatwa accompagnait toujours le chef de l’Etat dans ses déplacements extérieurs, et on ne comprend dès lors pas l’étonnement du comité. Lorsqu’il est question de l’heure tardive du vol retour vers Kigali, les membres de l’équipage font état d’informations sur des menaces d’attentat (p. 38-39), mais aucun témoignage ne spécifie l’origine de cette menace. Pour cause, puisque l’équipage redoutait une attaque par le FPR. Je reviendrai sur cette question.
La section suivante est intitulée « Exécution de l’attentat et ses suites ». Il y est une fois de plus question de l’énigme de la boîte noire. Le comité affirme être parvenu « à des conclusions probantes sur le fait de savoir si le Falcon 50 en était équipé et si oui, de savoir la personne ou l’institution qui serait en sa possession » (p. 46). Rappelons d’abord que l’existence ou non des « boîtes noires » n’a, en soi, aucune importance pour établir les responsabilité s dans l’attentat, puisque, même si on avait pu les analyser, elles n’auraient rien appris sur son auteur. Le comité veut montrer que des militaires français, le commandant de Saint Quentin en particulier, ont récupéré la boîte noire. Cependant, primo, le rapport ne démontre pas que l’avion était équipé d’une boîte noire[10] : les sources citées sont fragiles (des articles de presse pour la plupart, parfois des témoignages de personnes incompétentes en la matière[11]) et les témoignages font tout au plus état de tentatives de la part des Français de la récupérer, mais aucun ne dit qu’ils l’ont effectivement trouvée et enlevée. Cette partie du rapport n’arrive pas à la moindre « conclusion probante », mais conclut sur une simple hypothèse : « Auraient-ils (les Français) récupéré les débris des missiles sans penser aussi à récupérer la boîte noire ? Cela serait invraisemblable » (p. 56).
La section « Le déroulement de l’attentat rapporté par les témoins oculaires » se veut plus concrète. Les témoignages de la « population des collines proches du lieu de l’attentat » sont évacués en quatre lignes : « Faute de connaissances techniques minimum, leurs récits sont peu clairs sur la nature des phénomènes observés et parfois même invraisemblables. Certains de ces témoins confondent ce qu’ils ont appris par d’autres avec ce qu’ils ont vu eux-mêmes de sorte que leurs témoignages ne présentent pas un grand intérêt » (p. 56). Comme nous le verrons, le comité veut que les missiles soient partis du camp militaire de Kanombe, et toute information contraire doit être exclue. Or, les témoins que j’ai moi-même interrogé à Masaka en octobre 1994 sont formels : les missiles sont partis de la vallée entre la colline de Masaka et la route vers Rwamagana-Kibungo, près de l’endroit appelé « La Ferme ». J’y reviendrai. Suivent les « techniciens de l’aéroport » et les « militaires de la garde présidentielle présents à l’aéroport », qui ne nous apprennent pas grand’ chose, si ce n’est que la situation était confuse et que la garde présidentielle était brutale, furieuse et désordonnée. Certains font état de deux missiles, d’autres en mentionnent trois. Les tirs « se dirigeaient en face de l’avion » (p. 62), « semblaient venir en contrebas de l’aéroport » (p. 62), « sont venus en dessous de l’avion » (p. 63), « ne sont pas montés en face de l’avion ou derrière, mais plutôt de son côté gauche » (p. 64).
De même, les « casques bleus de la MINUAR en poste à l’aéroport et les membres de la coopération technique militaire belge » ne sont pas d’un grand secours. Le caporal Gerlache se trouvait sur la plateforme de l’ancienne tour de contrôle, à une hauteur d’environ six mètres. Il a vu deux points lumineux « partir du sol à un endroit situé au camp militaire de Kanombe » (p. 64), alors que le camp militaire se trouve en contrebas de l’aéroport et que « La Ferme » se trouve dans le prolongement du camp. Il dit lui-même qu’il « pouvait apercevoir toutes les pistes[12] mais pas le camp des FAR, ce dernier se trouvant en contre bas » (p. 64). Comment peut-il alors voir des missiles « partir du sol » à l’intérieur du camp ? Un autre militaire belge situe les missiles comme « venant du côté gauche de l’avion », ce qui, de son point de vue (la colline Rutongo, au nord-ouest de l’aéroport), peut avoir trait autant (et probablement plus) à « La Ferme » qu’au camp militaire de Kanombe (du moins si l’on considère « à gauche » comme étant le côté de l’avion, sinon son témoignage n’a pas de sens, puisque –de son point de vue– le missile ne saurait être venu du côté droit de l’avion, qu’il ait été tiré du camp ou de « La Ferme »). Ce témoin, éloigné de vingt kilomètres des lieux, affirme également que l’angle de tir des missiles était de 70 degrés. D’après des experts militaires que j’ai consultés, il n’est pas possible de mesurer sérieusement en un clin d’œil l’écart entre la position de l’avion et la trajectoire du missile. Sur base de cette donnée aléatoire, le comité conclut que cet angle « correspond au domaine militaire de Kanombe, tandis que le CEBOL (« La Ferme ») correspond à un angle de 30 degrés » (p. 66). Le Dr Massimo Pasuch, lieutenant-colonel de la CTM belge qui vivait dans une villa au camp Kanombe, se trouve dans son living lorsqu’il entend « un bruit de ‘souffle’ (…) Le ‘souffle’ a été suivi de deux détonations », mais il n’a pas vu partir les missiles.
Sur base de ces données minimales et contradictoires, le comité estime que « les témoignages de Kanombe convergent de façon spécifique sur plusieurs points », notamment que « les tirs venaient d’un endroit proche du site où l’avion avait explosé » (p. 70). On remarquera que le rapport ne dit pas « proche de l’endroit où l’avion s’est écrasé », c’est-à-dire à côté du camp de Kanombe. En réalité donc, aucun des témoignages n’affirme de façon crédible que les missiles seraient partis du camp, conclusion à laquelle aboutira pourtant le comité (cf. infra).
Accès au lieu du crash
Deux sections suivantes, l’une intitulée « Refus à la MINUAR d’accéder au site de l’attentat », l’autre « Accès préférentiel au site de l’attentat accordé aux militaires français » amènent le comité à se poser la question de savoir « [p]ourquoi avoir refusé que ce site (du crash) soit gardé par une partie neutre au conflit si ce n’était pour cacher quelque chose de compromettant » (p. 73). La réponse est sans doute plus simple que le comité ne le pense : la MINUAR en général et les Belges en particulier n’étaient pas considérés comme neutres par les FAR ; les Belges étaient même soupçonnés, à tort, d’avoir été impliqués dans l’attentat. Que l’accès à l’épave leur avait été interdite ne doit, dès lors, pas étonner. En revanche, les Français étaient considérés comme des alliés ; mais même le lieutenant-colonel de Saint Quentin n’a pu accéder au lieu du crash qu’« accompagné d’un officier rwandais qu’il connaissait et qui lui servait de sauf conduit pour franchir les postes d’une Garde Présidentielle devenue très nerveuse » (p. 75). N’oublions pas en outre que cet épisode a lieu dans un contexte de grande émotion, lorsque les familles des victimes du crash sont en train de reconnaître les dépouilles.
Dédouaner le FPR
La section suivante, intitulée « Situation du FPR au Conseil national de développement », est une des parties les plus bizarres du rapport. En effet, le comité estime qu’ « un déplacement (par le FPR) du CND à Masaka ne pouvait être réalisé à l’insu des agents de renseignements des FAR » (p. 75), alors qu’il vient de « prouver » que les missiles n’ont pas été tirés à partir de la zone de Masaka. Lorsque le rapport évoque la « surveillance et le contrôle par la MINUAR », il décrit correctement les procédures en vigueur concernant les entrées et sorties du CND, les escortes et les navettes entre le CND et Mulindi, mais il suppose que ces contrôles ont effectivement et toujours eu lieu. C’est loin d’être le cas. Ainsi, le rapport dit que « un registre était disposé à l’entrée sud du CND, côté Gishushu, seule voie de passage réservée à la délégation du FPR et à ses visiteurs » (p. 75), mais le domaine est étendu et, fin mars 1994, le commandant du détachement tunisien de la MINUAR fait part au colonel Marchal de la découverte de différentes brèches dans la clôture du CND[13]. Le colonel Marchal cite d’autres exemples qui montrent que le contrôle effectuée par les éléments bengalais de Rutbat est symbolique tout au plus. Ainsi, en pleine journée, « deux véhicules du FPR parviennent (…) à quitter le CND aux yeux et à la barbe de la garde de Rutbat. Le préposé à la herse n’esquisse pas le moindre geste pour empêcher le passage et se contente de regarder passer benoîtement les véhicules chargés d’hommes en armes »[14]. Quant aux déplacement à Mulindi, le rapport affirme que le contrôle par la MINUAR était permanent, tant au moment des « chargements de vivres, de bois de chauffage et autres matériels » qu’au retour au CND, où les véhicules « subissaient la fouille de la MINUAR à l’entrée » (p. 76). Cela est une nouvelle fois contredit par le colonel Marchal. Il observe que « une fois à Mulindi, la liberté de mouvement de notre personnel est limitée, de telle sorte que le camion ne peut être maintenu sous surveillance permanente ». De même, le « contrôle à l’entrée de la zone de consignation des armes » n’a pas pu se faire[15]. Le titre du chapitre en question du livre de Marchal (« D’étranges transports de bois ») résume bien la réalité : contrairement aux affirmations du comité, la surveillance des mouvements du FPR était moins que parfaite. Le comité ne veut évidemment pas l’entendre de cette oreille, et il est révélateur qu’il n’a entendu aucun témoin, notamment ceux cités dans l’ordonnance du juge Bruguière, affirmant que les mouvements du FPR étaient tout sauf réellement contrôlés.
Je ne crois pas utile d’analyser en détail les témoignages reproduits dans le passage « Surveillance discrète et constante du CND par la garde présidentielle » (p. 78-83). La dizaine de témoins issus des FAR et notamment de la garde présidentielle font preuve d’une belle unanimité dans leurs récits, qui tendent à montrer « la surveillance étroite qui était exercée sur le CND (…). Ils en concluent que l’infiltration leur paraît quasi impossible » (p. 82). Venant de personnes qui étaient convaincues à l’époque des faits que le FPR (avec l’aide des Belges) avait abattu l’avion, cette conviction nouvellement acquise dans le cadre d’une « enquête » dont ils connaissaient la teneur est pour le moins suspecte. La description de la « Situation du FPR au CND le soir de l’attentat et dans les jours suivants » (p. 83-85) est truffée de contre-vérités avérées. Le rapport reprend d’abord le thème du contrôle étroit exercé sur le FPR, rendant « totalement impossible l’introduction au CND d’armes et de munitions dont six missiles anti-aériens de type SAM 16 supposés avoir été introduits au CND lors de navettes avec le quartier général du FPR à Mulindi » (p. 84). Nous avons vu que cela ne correspond pas à la réalité. Ensuite, d’après le rapport, « les infiltrations de militaires du FPR dans la capitale n’ont pas eu lieu » (p. 84) ; le témoin Patrick Mazimpaka en trouve pour preuve que « s’il y avait eu nos hommes dans les quartiers de Kigali, plusieurs personnes auraient pu être sauvées » (p. 84). Or, de nombreux récits de ces sauvetages sont connus. Un ancien de l’APR, Ntaribi Kamanzi, évoque d’ailleurs l’élargissement d’ « une zone de sécurité pour abriter ceux qu’on arrache aux mains des tueurs » dès le 11 avril[16]. D’après Human Rights Watch, le FPR avait mis en place des centaines de cellules en 1993, chacune forte d’entre six et douze membres[17].
S’agissant de l’interdiction de survol de la zone du CND, le rapport prétend qu’il s’est agi d’une « mesure ordinaire de sécurité car il aurait été très imprudent de laisser des avions tant civils que militaires survoler un bâtiment abritant des officiels du FPR » (p. 85). Cela ne tient pas la route. En effet, un avion décollant ou atterrissant du côté de la ville (c’est-à-dire à l’ouest par l’axe 10 de la piste, cf. infra) ne survole pas le CND[18]. En revanche, il passe suffisamment près du CND pour pouvoir être atteint de missiles sol-air tirés à partir de cette zone, et c’est pour cette raison que l’utilisation de cet axe était défendue. Une instruction aux équipages d’Air France mentionne une menace sol-air du côté du FPR et, pour cette raison, impose d’en maintenir une distance d’au moins un kilomètre[19]. La mesure n’est donc pas inspirée par des soucis de sécurité pour le contingent du FPR au CND, mais bien par des considérations de sécurité du trafic aérien. Le comité reproche à ce sujet une méconnaissance des lieux au juge Bruguière qui, en faisant état de l’interdiction d’utiliser l’axe 10 de la piste de l’aéroport, ne se serait pas rendu compte qu’il n’y a qu’une seule piste (p. 85), alors que ce n’est pas ce qu’il dit, puisqu’il fait référence aux deux orientations de la même et unique piste 10/28. Ce n’est donc pas le juge Bruguière, mais le comité qui se trompe au sujet des numéros des pistes.
Quant au « Montage des messages-radios par les FAR et leur attribution au FPR » (p. 86-91), cette possibilité ne peut certainement pas être exclue. Bien avant la publication du rapport, des fuites avaient déjà fait état des déclarations de l’opérateur d’un poste d’écoute des transmissions radio du FPR, Richard Mugenzi, témoin tant de l’instruction Bruguière que du comité Mutsinzi, qui affirme aujourd’hui que certains messages qu’il avait « captés » étaient des faux (p. 89). Des messages mettant en cause le FPR dans l’attentat, cités dans l’ordonnance Bruguière, auraient fait partie de ces faux dictés par le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva. Interrogé sur la question de savoir pourquoi ce n’est que maintenant qu’il en fait état, alors qu’il a été interrogé à ce sujet tant par le juge Bruguière que par le bureau du procureur du TPIR, et qu’il a été entendu lors du procès Bagosora sous le pseudonyme ZF, Mugenzi dit que la question ne lui a pas été posée. Particulièrement dans ses contacts avec le bureau du procureur, il est étonnant que Mugenzi n’ait pas évoqué cette manipulation de Nsengiyumva, puisqu’elle aurait fourni à la poursuite un élément à charge très utile, notamment sur la question de la planification du génocide, chef d’accusation sur lequel le procureur a été débouté par le TPIR. Même si Mugenzi avait dit la vérité au comité Mutsinzi, le rapport tire de la manipulation de messages-radio des conclusions pour le moins hasardeuses : « les FAR procédaient déjà fin 1993 à la préparation des instruments de propagande sur l’attentat » (p. 91), alors que Mugenzi lui-même évoque « une activité parallèle à celle des écoutes qui consiste à fabriquer des faux messages et à les diffuser dans les unités des FAR pour les galvaniser contre le FPR » (p. 89). Le comité déduit ainsi d’un instrument de propagande un projet d’assassinat.
Arme de l’attentat
La section « Parcours des principales questions relatives à l’abattage de l’avion Falcon 50 » souffre évidemment des faiblesses de ses prémisses. Ainsi, le rapport dit que « l’avion n’est donc pas passé par la colline Masaka comme avancé par certains auteurs » (p. 91). Cela est évident, mais l’endroit dit « La Ferme » se trouve entre cette colline et la route vers Rwamagana-Kibungo, et de surcroît personne ne prétend que les missiles ont été tirés à partir d’un endroit se situant sous l’axe de l’avion. Le comité se base ensuite sur les dires de Jean-François Dupaquier et Jean-Paul Goûteux[20] pour suggérer que l’avion a été abattu par un tir de roquette : « le Falcon 50 (…) a tout simplement été abattu par une salve des militaires hutu embusqués dans l’axe de la piste et dotés de RPG (Rocket-Propelled Grenade) 7 » (p. 93). Une simple recherche sur Google aurait permis de constater la nature farfelue de cette affirmation, puisque la portée maximale d’une RPG7, qui est une arme anti-char, est de 300 mètres pour un objectif en mouvement. Quelques lignes plus loin, le rapport cite deux autres témoins qui affirment que « le chef des Français nous a expliqué que l’avion avait été abattu par un Stinger » (p. 93). C’est déjà plus raisonnable, puisque le Stinger est un missile sol-air américain qui a des caractéristiques comparables au SAM 16. La confusion dans le rapport est donc totale, et nous verrons plus loin que ceci est une des rares questions sur lesquelles le comité cite un rapport technique britannique spécialement commissionné par lui.
Le comité cite enfin mon livre Rwanda. Trois jours qui ont fait basculer l’histoire, mais le lit a contre sens. Il évoque un croquis où j’indique le « point d’impact de l’avion », et semble penser que je parle de l’endroit où l’avion a été touché, alors que je parle de l’endroit où il s’est écrasé, c’est-à-dire dans le jardin de la résidence présidentielle[21]. Le comité en déduit que « le lieu où l’avion a été atteint par les missiles[22] n’est pas à une distance significative de cette résidence présidentielle » (p. 94). D’après le rapport, l’avion serait donc tombé à pic au moment d’être touché. C’est également l’avis de « la plupart des témoins habitant en particulier à Rusororo et à Masaka » (p. 94), dont on se rappelle pourtant que les témoignages sont évacués parce qu’ils « ne présentent pas un grand intérêt » (cf. supra).
Responsabilité des FAR
La seconde partie du rapport est intitulée « Responsabilité s ». Je ne m’étendrai pas sur la section « Différentes hypothèses émises sur les auteurs de l’attentat » (p. 98-108) parce qu’elle n’apporte rien de neuf. Relevons tout de même que tout ce qui pointe vers les FAR et accessoirement la France est mis en exergue, alors que les autres pistes de recherche sont évacuées. Le rapport relate même avec sérieux l’histoire invraisemblable que, dans la soirée du 6 avril 1994, le répondeur automatique de l’ambassade de France aurait dit que « ce sont les Belges qui ont abattu l’avion » (p. 99)[23]. Dans la même veine, le rapport reprend l’ « information » contenue dans une lettre (reproduite dans le rapport, p. 107) adressée le 29 mai 1994 à Colette Braeckman par un certain Thaddée, qui se présente comme chef de milice à Kigali et qui raconte que l’avion a été abattu par deux militaires français agissant pour le compte de quelques chefs de la CDR. J ’ai déjà fait la critique de ce document il y a quinze ans : la lettre de « Thaddée », qui est en fait anonyme, pourrait avoir été écrite par n’importe quel fantaisiste ou par quelqu’un désireux de brouiller les pistes[24]. Enfin, le comité fait état de l’acte d’accusation du colonel Bagosora devant le TPIR (p. 109), mais omet de préciser que, sur le chef de la planification, il a été acquitté (p. 110, note 313).
La section suivante porte sur les « Eléments probants d’implication des FAR et des dignitaires de l’Akazu dans la préparation et dans l’exécution de l’attentat ». J’ai déjà fait remarquer qu’à partir d’ici, de façon plus marquée encore qu’ailleurs dans le rapport, le comité opère exclusivement à charge. Le rapport étudie d’abord le mobile de l’attentat (p. 111-114). La thèse que des extrémistes hutu voulaient saborder la mise en application de l’accord d’Arusha est raisonnable, mais le rapport ne relève évidemment pas que le FPR, qui savait qu’il n’accéderait pas au pouvoir par les urnes, pouvait avoir exactement le même mobile. Les témoins cités n’apportent rien de neuf sur cette question, et certains sont même sujets à grande caution. Ainsi, le major Bernard Ndayisaba de la compagnie Génie du camp Kanombe évoque la naissance d’une « association initiée par des officiers extrémistes qui s’appelait AMASASU dont la caractéristique était celle de combattre énergiquement les accords d’Arusha » (p. 111-112). Utilisé dans un tract anonyme virulent en janvier 1993, le terme était connu depuis longtemps, mais Ndayisaba cite un certain nombre d’officiers comme faisant partie de cette association, alors que le bureau du procureur du TPIR, qui s’y est vivement intéressé, n’a jamais pu identifier l’auteur de cette lettre. Le même témoin affirme que ce groupe faisait circuler « des tracts dans les rues, surtout dans les camps militaires pour intoxiquer les militaires contre Habyarimana » (p. 112). Ce phénomène n’avait jamais été évoqué par le passé[25], et il est pour le moins étonnant de le voir apparaître, quinze ans après, à travers le témoignage d’une personne dont la situation fragile a déjà été soulevée. Quant aux préparatifs en vue de la reprise de la guerre évoqués par des témoins militaires belges, ils sont connus et indéniables, mais le FPR en faisait de même et ces préparatifs n’apprennent rien au sujet de l’attentat.
Le comité aborde ensuite les « moyens mis en œuvre pour la réalisation de l’attentat » (p. 114-139). Le premier moyen est « la provocation pour le retrait du contingent belge de la MINUAR » (p. 115-120). Ce constat paraît incontestable, mais aucun lien avec l’attentat n’est montré dans le rapport, et je ne m’y attarde donc pas. Le deuxième moyen (« Les préparatifs de passage à l’acte dans les jours proches de l’attentat », p. 120-139) se veut plus concret. Le rapport cite l’ancien gouverneur de la Banque nationale, Jean Birara, qui rapporte « sur base d’informations qu’il tient de la haute hiérarchie des FAR, que le colonel Bagosora était rentré à Kigali pour affiner les préparatifs de l’assassinat du chef de l’Etat » (p. 121)[26]. Le seul membre de la « haute hiérarchie des FAR » cité par Birara est le colonel Rusatira, que j’ai contacté et qui nie avoir tenu les propos lui prêtés par Birara. D’après ce dernier, la conversation avec Rusatira a lieu le 4 avril, mais Birara affirme que « (Bagosora) rejoignit Kigali le 5/04/1994 au soir. C’est lui qui a pris la décision d’abattre l’avion du président et de rappeler Serubuga, Buregeya et Rwagafilita (les trois officiers mécontents) » (p. 121). Même si Birara avait parlé à Rusatira, il aurait été difficile pour ce dernier de dire ce que Bagosora allait faire le lendemain. Il est de surcroît hautement improbable que Rusatira, considéré comme un adversaire de Bagosora et des autres officiers cités, aurait été au courant de leurs sombres desseins.
Ensuite, d’après divers témoins la MINUAR est interdite d’accès au camp Kanombe à partir du 5 avril, alors que les Français y restent autorisés (p. 121-124)[27]. Cette mesure aurait servi à cacher le déplacement d’armes lourdes en violation des règles du KWSA (Kigali Weapons Secure Area). C’est bien possible, mais le lien avec l’attentat n’est pas établi. Nous avons déjà dit que les deux parties étaient déjà pleinement engagées dans la logique d’une reprise de la guerre. Il en est de même du moyen suivant : « le contrôle et la modification brusque des communications militaires » (p. 124-127). En effet, le changement des fréquences n’était pas exceptionnel, et le rapport dit d’ailleurs lui-même ceux-ci « étaient une pratique initiée par les instructeurs français depuis l’époque de Noroît en 1990, lorsqu’ils avaient constaté que le FPR pouvait capter leurs communications. Les Français ont alors enseigné aux FAR des techniques de modification régulière de fréquences » (p. 125) ; ces techniques n’ont rien de spécial et le lien avec l’attentat est une nouvelle fois hypothétique. Au sujet des communications, le rapport note également que la garde présidentielle avait son propre réseau de communications, ce qui est d’ailleurs vrai[28]. Mais il en déduit qu’il « n’est dès lors pas à exclure que dans la soirée du 06 avril 1994 le commandant de la garde présidentielle, le major Protais Mpiranya, ait profité de sa position privilégiée pour donner toutes informations au colonel Bagosora sur le vol du Falcon 50 » (p. 127). Le seul problème de ce que le comité présente comme une hypothèse est que Bagosora était au QG du contingent MINUAR du Bangladesh depuis 18 heures et qu’il ne l’a quitté que vers 20.30 heures, après l’attentat.
Il est également question de l’évacuation par la force du marché de Mulindi près de Kanombe, dans la journée du 6 avril, par les FAR. A ma connaissance, c’est la première fois que cet événement est évoqué. Le comité ne semble pas très bien savoir ce qu’il doit en faire, et il se limite à formuler une hypothèse : « Dans la mesure où les FAR avaient programmé l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, il est fort probable qu’elles ne souhaitaient pas avoir du monde dans les environs des lieux où l’action allait se faire » (p. 129). Encore fallait-il que les missiles aient été tirés à partir du camp de Kanombe, ce qui n’est nullement démontré par le comité (voir également infra). Et surtout, on cherche en vain un lien avec l’attentat, puisque le marché de Mulindi se trouve de l’autre côté de la route vers Rwamagana-Kibungo, dans la direction de Ndera, et qu’il est séparé du camp militaire par une crête. Si l’on avait voulu éloigner les « témoins gênants », ce serait plutôt du côté de la commune de Kanombe qu’on l’aurait fait.
Le rapport fait également état du déploiement de militaires et de gendarmes immédiatement après l’attentat, voire même avant que celui-ci n’ait lieu. Ceci est connu depuis longtemps, mais je rappelle ce que j’ai écrit ailleurs : « (ces barrages) sont de routine et installés chaque jour au début de la soirée »[29]. Le comité fait lui-même preuve d’hésitation sur la valeur probante de ces indications quant à la désignation des auteurs de l’attentat, puisqu’il conclut que les extrémistes « s’apprêtaient à réaliser un événement hors du commun qui a pu être l’élimination du président de la République » (p. 135, italiques ajoutées). Il en est de même des « autres actes révélant la préparation de l’attentat par les FAR » (p. 136-139). Que l’on me comprenne bien. Les éléments renseignés par le rapport doivent être pris au sérieux et, dans la mesure où les témoignages sont fiables, ils peuvent contribuer à dégager un faisceau d’indications qui peut constituer une preuve indirecte (« circumstantial evidence »). Mais on pourrait également appliquer cette méthode pour analyser d’autres hypothèses, notamment celle de la responsabilité du FPR, ce que le comité ne fait pas.
Les sections suivantes évoquent le « Coup d’Etat dans la nuit du 06 avril 1994, révélateur des mobiles de l’attentat » (p. 139-143) et les « réactions révélant la connaissance antérieure du plan d’attentat » (p. 144-145). Elles n’apportent rien de neuf et certainement rien qui soit de nature à renseigner sur les auteurs de l’attentat. Je ne crois dès lors pas qu’il soit utile de m’y attarder.
Retour aux missiles : les FAR en possédaient
Les sections suivantes sont bien plus concrètes, puisqu’elles abordent le thème de la possession de missiles et la capacité de les utiliser. D’abord, « Les FAR disposaient de spécialistes en artillerie anti-aérienne » (p. 145-147). Il y avait bien à Kanombe un bataillon LAA (Lutte anti-aérienne) , mais celui-ci ne possédait pas, d’après le rapport (qui se base sur le rapport de la mission d’information parlementaire française) même, de missiles sol-air, mais uniquement des canons DCA. Il n’est pas spécifié sur quoi le rapport se base lorsqu’il affirme « les techniciens du bataillon LAA étaient formés pour l’utilisation des missiles sol-sol et sol-air » (p. 146), ni en quoi il est pertinent de savoir que des spécialistes du bataillon reconnaissance auraient été formés dans l’utilisation de Milan (p. 146), puisqu’il s’agit d’un missile sol-sol qui ne peut servir à abattre un avion. Il est vrai qu’en 1992 le colonel Serubuga avait recommandé la commande de missiles sol-air (p. 146-147), mais ceux-ci n’ont apparemment jamais été achetés.
En effet, une section consacrée à la « possession des lance-missiles et des missiles par les FAR » (p. 147-155) relate les commandes de missiles et de lance-missiles. Je les parcours dans l’ordre abordé dans le rapport. Le 21 septembre 1991, une réunion d’officiers supérieurs des FAR propose l’acquisition de missiles anti-aériens (p. 147) ; le 31 juillet 1991, le ministère de la Défense demande à l’URSS des missiles Sam 16 (p. 148), demande réitérée le 22 octobre 1992 (p. 148) ; le même jour, un courrier sollicite le même type d’armement à la Corée du Nord (p. 148) ; le 27 juillet 1992, le ministère de la Défense se dit prêt à recevoir une délégation russe à Kigali pour discuter des matériels à acquérir (p. 149) ; le 17 janvier 1992, le chef d’Etat-Major des FAR rappelle au ministre de la Défense la nécessité d’acquérir des SAM 16 (p. 149) ; le 12 janvier 1992, l’ambassadeur du Rwanda en Chine signale que la partie chinoise est disposée à examiner une requête rwandaise ; le 30 janvier 1992, le gouvernement chinois demande au Rwanda de lui faire parvenir la liste d’armes et munitions dont l’armée rwandaise a besoin (p. 150) ; le 1er février 1992, le ministre des Affaires étrangères demande au ministre de la Défense « de se mettre à pied d’œuvre pour que la liste des armes et munitions à acheter en Chine soit disponible dans les meilleurs délais » (p. 150) ; le même jour, le colonel Ndindilyimana spécifie les besoins, y compris des SAM 16, à adresser aux Chinois et au Brésiliens (p. 150-151) ; enfin, un rapport non daté et non référencé du ministre de la Défense sur la « Situation de la coopération militaire franco-rwandaise » entre 1992 et 1993 rappelle une demande d’acquisition de missiles sol-air. Tous ces échanges montrent que, même s’il a voulu les acquérir, le Rwanda n’avait pas obtenu de missiles sol-air, certainement en février 1992 et probablement même en 1993. Le rapport ne montre nulle part que ces missiles auraient été obtenus plus tard. Au contraire, plus loin dans le rapport, le comité affirme, sur la foi du journaliste français Patrick de Saint Exupéry que fin 1993-début 1994, le gouvernement rwandais aurait encore tenté d’obtenir deux missiles sol-air, d’abord auprès du marchand d’armes français Dominique Lemonnier, puis auprès d’une société française spécialisée dans l’exportation de matériel de guerre (p. 153). Ici encore, rien ne montre que ces démarches auraient abouti, et le rapport ne le prétend d’ailleurs pas. Manifestement à court d’argument, le comité affirme que « les numéros de série mentionnés sur la facture pro-forma[30] sont les mêmes que ceux qui figurent sur la batterie que l’armée rwandaise indique avoir recueillie à Masaka » (p. 154). Or il s’agit de numéros génériques (identifiant le type de poignée, de lanceur et de missile), mais non pas de numéros d’armes individuels. D’ailleurs, la période de production reprise sur le pro-forma (1990/91) est différente de celle des missiles trouvées à Masaka (04-87).
Je ne m’étendrai pas trop sur la confidence faite par un proche du colonel Nsengiyumva au « témoin » Richard Mugenzi (cf. supra) que « ces missiles provenaient d’un lot que les Français avaient récupéré lors de la guerre en Irak » (p. 154). Je sais d’où vient cette « information » parce que j’ai été le premier à la lancer dans mon livre Rwanda. Trois jours qui ont fait basculer l’histoire. Déjà à l’époque, j’utilisais le conditionnel et j’avertissais : « Avec toute la prudence qui s’impose, puisqu’il s’agit d’une source de seconde main –britannique de surcroît– et qu’on ne peut jamais exclure la manipulation dans ce dossier très sensible où l’intoxication n’est jamais loin (…) »[31]. Cette information s’est en effet avérée fausse, puisque les numéros de série des SAM 16 récupérés par la France en Irak sont loin de ceux récupérés près de Masaka. Il est vrai que ces numéros n’ont pas été publiés dans le rapport de la mission d’information parlementaire française (sans doute parce que la France ne voulait pas officiellement admettre qu’elle a récupéré des SAM 16 en Irak, mais j’ai pu consulter la liste), mais le comité se trompe lorsqu’il écrit que « cette omission ne paraît pas innocente, puisque le témoignage de Mugenzi Richard est une source crédible tendant à montrer que la France pourrait avoir livré aux FAR une partie des missiles pris en Irak » (p. 155). En réalité, Mugenzi ne peut pas savoir ce qu’il avance, et son témoignage n’est pas crédible du tout.
Le comité fait état de deux rapports, qui en réalité ne reposent que sur une seule source sur la question des missiles, faisant état de missiles sol-air dans les stocks des FAR après leur retrait au Zaïre. Une liste établi par le capitaine Sean Moorhouse de la MINUAR comporte 40 à 50 SAM 7 ; un rapport de Human Rights Watch, même s’il se base sur les données de Moorhouse, ajoute 15 Mistral. Contrairement à ce que dit le comité (p. 152), les deux sources ne s’accordent donc pas sur la présence de Mistral (« qui sont des armes aussi performantes que le SAM 16 », p. 152) dans ces stocks. Il n’est question de SAM 16 dans aucune de ces sources. Que le C130 belge qui devait atterrir à Kanombe le soir du 6 avril était doté d’un système anti-missile ECM ne fait pas de doute, mais rien dans le rapport n’indique que l’armée belge redoutait une attaque par les FAR. Il reprend d’ailleurs le passage d’un rapport du Sénat de Belgique qui évoque en termes généraux « la crainte d’attaques par des fusées anti-aériennes contre nos C130 en mission en Afrique » (p. 153). Pourquoi cette menace serait-elle venue des FAR et non pas, par exemple, du FPR ?
Retour aux missiles : le FPR n’en possédait pas
La section suivante est formulée comme un postulat : « La possession des missiles par l’APR n’est pas un fait avéré ». Un premier argument est tiré de la « faiblesse des preuves de la Mission d’information parlementaire française » (p. 156-158). Cet argument tente de jouer sur les mots et ne mérite pas trop d’attention. Le comité relève en effet que, dans un courrier du 22 mai 1991, l’attaché de Défense à l’ambassade de France à Kigali écrit que « L’Etat-major de l’armée rwandaise est disposé à remettre à l’attaché de défense un exemplaire » (le texte continue ainsi : « d’arme de défense sol-air soviétique de type S.A.16 récupéré sur les rebelles le 18 mai 1991 au cours d’un accrochage dans le Parc de l’Akagera »), et il déduit que « les FAR disposaient de plusieurs missiles de ce type puisqu’elles étaient prêtes à confier seulement ‘un exemplaire’ aux Français » (p. 156-157). Cela est évidemment ridicule : une seule arme a été trouvée ; d’ailleurs dans une note du 23 mai 1991, citée par le rapport (p. 157), le général Quesnot dit que « de nombreux matériels ont été récupérés sur le terrain, dont un missile portable SAM 16 ». C’est encore confirmé par une note adressée le 7 juillet 1998 à la mission d’information parlementaire française, citée dans le rapport, qui fait état de la découverte d’un SA16 d’apparence neuve dans le Parc de l’Akagera » (p. 158). La conclusion du comité que tout ceci « laisse clairement entendre que les FAR avaient récupéré plusieurs missiles neufs SA16 sur le FPR et qu’en conséquence, pour autant que cette récupération soit vraie[32], les FAR en disposaient dans leur arsenal en avril 1994 » (p. 158), ne repose donc sur rien.
On peut encore faire trois observations au sujet de ce passage du rapport : (i) le missile saisi n’aurait été d’aucune utilité aux FAR, puisqu’il était défectueux ; (ii) le missile provient du même lot tant de ceux apparemment utilisé dans l’attentat que ceux répertoriés par la mission d’information parlementaire comme étant en dotation à l’armée ougandaise ; (iii) si les FAR avaient possédé plusieurs missiles SAM 16, pourquoi auraient-elles fait tant d’efforts (infructueux à ce qu’il semble, cf. supra) pour en acquérir après les avoir « trouvés » ? Le comité sent manifestement le problème, puisqu’il tente immédiatement (« Fausse histoire de la découverte d’un missile dans l’Akegera en 1991 », p. 158-159) de montrer que les FAR n’ont pas pu récupérer d’armes sur le FPR pendant la période. Mais, dans ce cas, l’affirmation déjà citée que cette récupération (qui n’aurait donc pas eu lieu) a permis aux FAR d’acquérir des SAM 16 sonne évidemment très creux.
Après avoir soulevé des déclarations « suspectes » ou « mensongères » du général Quesnot et du colonel Cussac, et des « doutes » du général Ndindiliyimana, dont l’analyse dans le rapport ne mérite pas que l’on s’y arrête, le comité arrive à des conclusions qui ne sont pas basées sur des faits avérés, notamment que les FAR n’ont pas récupéré un missile sol-air du FPR et même temps que ce missile « prétendument découvert dans le parc de l’Akagera » se trouvait lors de l’attentat entre les mains des FAR ou des militaires français (j’ai déjà évoqué la contradiction entre ces deux positions), que les FAR possédaient des missiles de type Mistral, que la France a fourni aux FAR des missiles SAM 16 récupérés en Irak, etc. (p. 162). Rien de tout cela peut être considéré, sur base du rapport même, comme étant établi.
Retour sur le lieu du tir
Le comité revient ensuite sur le « lieu d’où les missiles ont été tirés » (p. 162-173) (on se souvient qu’il avait déjà « constaté » que ce lieu est le camp militaire de Kanombe). Il commence d’abord par réitérer le reproche fait au juge Bruguière qui, en évoquant les pistes 10 et 28, n’aurait pas su qu’il n’y a qu’une seule piste (cf. supra). J’ai également déjà dit que, contrairement à ce que prétend le rapport (« Le FPR a tout simplement demandé, pour des raisons de sa sécurité, qu’il n’y ait pas de survol d’avions près du bâtiment du CND », p. 163), l’interdiction d’atterrissage du côté ouest (piste 10) était inspiré par la crainte que le FPR disposait de missiles sol-air.
En ce qui concerne la possibilité pour le FPR d’accéder à l’endroit dit La Ferme (également appelé CEBOL dans le rapport), le comité relève un témoignage connu depuis longtemps, celui de Paul Henrion, que j’ai par ailleurs interrogé moi-même en octobre 1994. Il dit au comité que, se rendant au lac Muhazi le matin du 6 avril (d’après le rapport autour de 8 heures ; d’après ce qu’il m’a dit entre 10 et 10.30 heures), il remarque des militaires rwandais, dont deux portent leur béret « à la française »[33], au côté de la route vers Rwamagana-Kibungo à la bifurcation d’où part la piste en terre vers Masaka. Il voit « un canon anti-aérien et anti-blindé » (p. 165) (lors de notre entretien en octobre 1994, il parle d’une « mitrailleuse quadruple ») ; lors de son retour autour de 20 heures, cette position est toujours en place, et le « canon » est alors tourné vers l’aéroport. Quelques mètres plus loin, Henrion dit avoir vu « un groupe de militaires français qui étaient en observation » (p. 165), mais il ne précise pas si c’était le matin ou le soir (il n’en a pas fait état lors de notre conversation) . Le rapport conclut que ce témoignage « est l’une des preuves évidentes supplémentaires que la route Kigali-Masaka- Kabuga était bien gardée et contrôlée par les éléments de l’armée rwandaise » (p. 165), mais il s’agit là de la route principale vers Rwamagana-Kibungo et non pas de la piste qui relie cette route à la colline de Masaka.
Le comité s’intéresse ensuite à la « prétendue découverte des tubes lance-missiles à Masaka » (p. 165-173). Le rapport dit que « alors que les lance-missiles (…) ont été récupérés à CEBOL entre le 7 et le 8 avril 1994, c’est seulement en date du 25 avril 1994 que le lt. ingénieur Augustin Munyaneza a procédé à (leur) identification » (p. 165). Le rapport fait beaucoup de cas au sujet de la date de la découverte des lanceurs, qu’il veut absolument situer entre le 7 avril et le 10 avril au plus tard. Un témoin que j’ai rencontré à Masaka en octobre 1994 (et qui est également parmi ceux qui ont vu partir les missiles à partir de La Ferme ) relate que cette découverte a eu lieu « environ un mois » après l’attentat, ce qui est certainement plus proche du 25 avril que du 7-10 avril. Ici, tout comme au sujet des informations concernant le lieu d’où sont partis les missiles, il y a une grande divergence entre, d’une part, les témoins civils des environs de Masaka et, d’autre part, les militaires. Deux témoins civils ont vu de leurs yeux les lanceurs sur le lieu de la découverte, mais d’après le comité « leurs récits comportent des incohérences importantes de date, situant l’événement entre dix jours et trois semaines après le crash de l’avion, ce qui est invraisemblable » (p. 168). Recueillis quatorze ans après les faits auprès de gens qui n’ont que leur mémoire pour les guider, ces témoignages et l’écart qui les sépare ne sont pas si invraisemblables et ils confirment en tout cas que les lanceurs n’ont pas été récupérés dans les premiers jours suivant l’attentat.
Après avoir évacué les témoignages des civils vivant dans les environs, le comité privilégie ensuite ceux de militaires des FAR qui, eux, font preuve d’une belle unanimité, et parfois même d’une étonnante mémoire, quatorze ans après les faits : l’un d’eux se rappelle avoir appris le 7 avril à 13 heures que les lanceurs avaient été retrouvés, un autre sait qu’il a vu trois lance-missiles le 7 avril vers 9 heures (p. 168). Tous les autres militaires ex-FAR interrogés, dont j’ai déjà dit la situation fragile vis-à-vis du mandat du comité, confirment grosso modo cette information[34], ce qui d’après le rapport « autorise à penser que des armes présentées comme ayant été utilisées pour abattre l’avion, ont été effectivement ramassées au CEBOL entre le 07 et le 11 avril 1994 » (p. 170). Mais, en réalité, ceci n’a pas trop d’importance, puisque le comité conclut à une « prétendue découverte » des lanceurs, puisque « les témoins habitant dans le voisinage du lieu de la prétendue découverte avancent des dates tellement éloignées les unes des autres qu’il semble s’agir d’une manipulation » (p. 170). Je rappelle que, lorsque j’interrogeais des témoins à Masaka en octobre 1994, on ne connaissait pas les numéros des lanceurs et on ne savait pas qu’il pointeraient un jour dans la direction du FPR.
Le comité reprend ensuite une donnée erronée qui a été parfois avancée pour dédouaner le FPR. En effet, le comité cite le rapport de la mission d’information française[35] : « il est probable que les lanceurs contenant les missiles n’aient pas été tirés (…) il y a donc peu de chance que les missiles identifiés par (Filip Reyntjens) correspondent à ceux qui ont effectivement servi à abattre l’avion » (p. 172) (je cite le rapport du comité Mutsinzi ; le texte du rapport de la mission d’information est quelque peu différent). Or ce n’est pas ce qui ressort de l’enquête menée par la mission d’information. En effet, une lettre du 11 décembre 1998 du général Mourgeon portant sur les photographies des missiles dit ceci : « Il est impossible de dire si ce missile a été tiré ou non. Sur les photocopies des photos, le tube est en état, les bouchons aux extrémités de celui-ci sont à leur place, la poignée de tir, la pile et la batterie sont présents ; mais on ne peut savoir s’il y a un missile dans ce tube au moment de la prise des photographies et aucun indice n’a permis de conclure au fait qu’un missile ait été tiré de ce tube »[36]. Contrairement à l’affirmation du comité et du rapport de la mission d’information, sur base de la photo il est donc tout simplement impossible de dire si le lanceur a été utilisé ou non. Signalons par ailleurs que le Lt. Munyaneza, qui a découvert les lanceurs et qui a été entendu par le juge Bruguière en 2002 affirme qu’ils était vides.
Après avoir ainsi écarté La Ferme comme lieu d’où les missiles sont partis « pour des raisons impérieuses déjà exposées » (p. 174), le comité reprend une « hypothèse plus plausible » (p. 173) déjà explorée plus en avant, celle du camp Kanombe ou ses environs immédiats. Six témoins, membres des FAR, déclarent que les tirs sont partis « à partir de la clôture de la résidence présidentielle ou tout près de cette résidence » (p. 174) ; six autres anciens militaires situent des lieux tout proches comme lieu de départ des tirs (p. 177) ; d’autres militaires parlent des « environs immédiats du camp » (p. 177). Les témoignages sont pourtant contradictoires : certains situent le départ des tirs du côté gauche de l’avion (p. 177), d’autres les ont vu partir « à la rencontre de l’avion en partant de devant » (p. 178), d’autres disent que les « projectiles (…) se dirigeaient à l’encontre de l’avion et leur direction était de droite vers la gauche » (p. 179) ; un militaire belge affirme que les tirs « partaient de la gauche vers la droite » et précise même que « l’angle de tir était de plus ou moins 70 degrés » (p. 180). Le capitaine Sean Moorhouse (cf. supra), qui n’était pas au Rwanda au moment des faits, aurait déclaré au comité que « les informations recueillies (plus tard) avaient permis à son équipe d’établir que ‘l’avion du président rwandais avait été abattu par trois Blancs avec l’aide de la garde présidentielle et que les tirs d’armes ayant abattu l’avion étaient partis du camp militaire de Kanombe’ » (p. 181) ; le comité ne précise pas comment Moorhouse serait arrivé à cette conclusion, ni pourquoi, alors qu’elle aurait été recueillie pour le compte de la MINUAR , on ait dû attendre quinze ans avant d’en prendre connaissance.
Sur la crédibilité des témoins, le rapport reconnaît que les témoins ex-FAR « présentent l’inconvénient d’appartenir à une armée dont beaucoup d’éléments ont été les principaux acteurs du génocide et des massacres » (p. 181). Cela dit, il prend pour argent comptant le fait qu’ils « situent le point de départ des missiles soit à la résidence présidentielle elle-même, soit aux abords immédiats de la clôture de celle-ci ou du périmètre du domaine présidentiel » (p. 181), sans se poser la moindre question sur le caractère saugrenu de cette position de tir, pratiquement en face de l’axe d’approche de l’avion, qui se serait logiquement écrasé sur les auteurs de l’attentat (l’avion s’est affectivement écrasé dans le jardin de la résidence présidentielle) . Quant à un « témoin-clé » belge, Mathieu Gerlache se trouvait sur la plate-forme de l’ancienne tour de contrôle à une hauteur d’environ six mètres d’où il ne pouvait pas voir le camp Kanombe. J’ai déjà signalé qu’il n’a pas vu partir les missiles du sol et que La Ferme se trouve dans le prolongement visuel du camp Kanombe. En revanche, aucun des témoins oculaires présents dans l’enceinte de la résidence présidentielle n’a été entendu par le comité, ni les membres de la famille Habyarimana ni ceux du détachement de la garde présidentielle qui gardait les lieux. Or, d’après mes renseignements, ces témoins ont tous vu partir les missiles des environs de Masaka[37]. Concernant les auteurs de l’attentat, ayant ainsi « prouvé » que les missiles sont partis du camp militaire ou même de la résidence présidentielle, le rapport conclut : « En outre, il est impossible d’imaginer qu’en cette période d’extrême tension découlant des quatre années de guerre entre le FPR et les FAR, des éléments étrangers aux forces armées rwandaises aient pu s’infiltrer dans le domaine militaire de Kanombe et a quelques mètres de la résidence présidentielle et d’y commettre l’attentat, alors que s’y trouvaient les principales unités de l’armée. Et, qui plus est, qu’il n’y ait eu aucun combat contre l’agresseur ! En conséquence, pour le Comité, il n’y a aucun doute possible que les tirs de missiles contre l’avion présidentiel ont eu lieu à partir du domaine militaire de Kanombe ou des personnes non autorisées ne peuvent pas entrer. En conséquence, les forces armées rwandaises sont responsables de l’attentat » (p. 182).
L’enquête des experts britanniques
On aura remarqué que le rapport fait à peine état de l’enquête technique d’une équipe britannique[38] dont le travail, d’après les termes du contrat reproduit dans son annexe A, a dû coûter au moins 10.000 livres sterling au contribuable rwandais. A lire le rapport de cette enquête technique, on comprend pourquoi il n’est cité que deux fois. Il ne se prononce que sur deux questions, et sur aucune de ces questions son avis n’est décisif ni même pertinent. D’abord, les experts examinent la crédibilité technique des témoignages au sujet de l’endroit d’où les missiles sont partis. Il est intéressant de noter que les seuls témoignages soumis à l’appréciation des experts sont ceux situant cet endroit au camp Kanombe ou dans ses environs immédiats. Les experts groupent ainsi ces témoignages :
a) Witnesses placing the launch of the shots at/in the Kanombe Military Camp.
b) Witnesses placing the launch of the shots in the immediate area of the Kanombe Military Camp.
c) Witnesses placing the launch of the shots at the fence of the Président’s Residence[39].
Les témoignages qui situent l’endroit du tir à La Ferme (CEBOL) ne sont donc pas soumis à l’évaluation des experts ; il est vrai, nous l’avons vu, que ces témoignages ont été sommairement évacués par le comité Mutsinzi. Il est également nécessaire de constater que les experts n’ont pas eux-mêmes rencontré les témoins et qu’ils se sont contentés de leurs déclarations telles que consignées par le comité : « Following examination of the witness statements and making site visits, it was not thought necessary by the authors for them to interview witnesses »[40]. A part quelques exceptions, les experts estiment que les témoins auraient pu voir ce qu’ils disent avoir vu, basé sur la vue qu’ils avaient à l’endroit où ils étaient. Les experts ne disent pas que les témoins ont effectivement vu ces choses. Il est évident que, si le comité avait demandé aux experts si les témoins des environs de Masaka, dont les observations sont exclues du rapport, auraient pu voir ce qu’ils prétendent avoir vu, la réponse aurait été tout aussi positive. On se pose par ailleurs la question de savoir pourquoi il a fallu faire appel à des experts de la Defence Academy pour constater ce que toute personne dotée d’une vue normale peut observer, c’est-à-dire que quelqu’un se trouvant à tel endroit est en mesure de voir tel autre endroit.
La seconde question n’est abordée que dans la conclusion, et elle a trait à l’utilisation de missiles et l’endroit où l’avion a été touché. Les experts constatent d’abord ce que nous savons depuis longtemps : « the aircraft was destroyed by possibly two surface to air missiles whilst on its final approach »[41]. Quant aux missiles utilisés, les experts relèvent que les fragments récupérés et analysés, huit au total, ne sont pas consistants avec la composition d’un SAM 16. Cela ne nous apprend guère grand’ chose, puisque l’analyse spectroscopique n’a pas été effectuée sur l’ensemble des débris trouvés sur place ; les experts signalent par ailleurs que « [c]ultivation and weathering of the site, theft and possible vandalisation of parts of the wreckage and restoration to sections of the President’s Residence have all combined to reduce the worth of the available forensic and visual evidence »[42] et que « [a]fter 15 years of unprotected exposure nearly all of the smaller items of wreckage from the aircraft were not present »[43]. Les experts continuent d’ailleurs dans la suite de leurs conclusions à utiliser l’hypothèse qu’un SAM 16 a été l’arme de l’attentat[44]. Enfin, en ce qui concerne le point de l’impact sur l’avion, les experts notent que les témoignages ne peuvent être corroborés par une preuve physique, puisque « [t]he physical evidence (l’avant de l’avion) that could have confirmed this presumptive conclusion (…) is no longer present for examination »[45]. L’expertise britannique n’apporte donc rien de substantiel à l’enquête du comité.
Hypothèse non étudiée
Nous avons vu que, malgré ses faiblesses et contradictions et non, comme il le dit, après « un travail minutieux d’enquête, de recherche de témoins et de recoupement des sources » (p. 183), le comité désigne, comme prévu, les FAR comme responsables de l’attentat. Il évacue en quelques lignes l’hypothèse qu’il devait réfuter, c’est-à-dire la responsabilité du FPR. Et pourtant, sur base des éléments qui lui étaient connus, notamment sur base de l’instruction Bruguière, il aurait au moins pu et dû vérifier un certain nombre de faits concrets pointant dans cette direction. J’en relève quelques-uns. A la page 5, l’ordonnance Bruguière relève que Sixbert Musangamfura a évoqué, en la présence du Lt. Col. Karenzi Karake, la résistance furieuse de Paul Kagame à l’organisation d’une enquête sur l’attentat ; le comité Mutsinzi ne semble pas avoir jugé nécessaire d’interroger ni Musangamfura ni Karenzi Karake[46]. L’ordonnance cite plusieurs (anciens) membres ou militaires du FPR (Barahinyura, Hakizabera, Kagiraneza, Marara, Mberabahizi, Mugabe, Musoni, Ruyenzi, Ruzibiza, Ruzigana), ainsi que des personnes étrangères au FPR (Arbour, Hall, Hourigan, Lyons) qui affirment, généralement avec force détails, que c’est le FPR qui a abattu l’avion ; aucune de ces personnes n’a été interrogée afin de confirmer ou d’infirmer leurs dires. De même, l’ordonnance mentionne quatre militaires de l’APR comme auteurs directs de l’attentat : Frank Nziza, Eric Hakizimana, Patiano Ntambara et Didier Mazimpaka ; aucun n’a été entendu par le comité, qui aurait pu et dû vérifier, par exemple, où ils se trouvaient au moment des faits. Quant à la provenance des missiles sol-air, l’ordonnance signale, sur base de mon témoignage, qu’ils proviennent de stocks ougandais et que l’armée ougandaise les a remis au FRP, information crédible émanant de sources militaires ougandaises. Le comité aurait pu et dû vérifier cette information auprès des services ougandais et du camp militaire de Mbarara. Le comité refuse également de s’interroger sur les causes du retard pris dans le départ du vol présidentiel à partir de Dar-es-Salaam et du rôle joué par le président Museveni dans la façon dont le sommet a traîné, ainsi obligeant le président Habyarimana à voyager de nuit.
Accueil du rapport par la presse
Que la presse rwandaise proche du régime ait favorablement accueilli le rapport Mutsinzi n’est pas étonnant[47]. Il en est de même de la réaction des FRD (Forces rwandaises de défense) et des associations de rescapés proches du pouvoir[48]. Ce qui est en revanche étonnant, c’est que la presse étrangère a pris pour argent comptant les « révélations » de la commission, sans poser les questions critiques qui avaient jadis accompagné la sortie de l’ordonnance du juge Bruguière. Déjà avant la parution du rapport, Mehdi Ba dans Continental Magazine du 4 décembre 2009 en rend compte et publie des extraits de cette « enquête (qui) contribue à étayer une thèse diamétralement opposée à celle soutenue depuis dix ans par le juge français Jean-Louis Bruguière ». Se basant sur cette fuite, Colette Braeckman se réjouit de ce que « l’enquête rwandaise rejoint les hypothèses formulées par Le Soir dès les premières semaines ayant suivi l’attentat », sans exprimer la moindre réserve[49]. Après la parution du rapport, Colette Braeckman continue sur sa lancée. Elle a pris connaissance « en exclusivité »[50] du document qui « représente d’ores et déjà une contribution incontournable »[51]. Libération rend compte du rapport sans le soumettre à un examen critique, mais fait toutefois observer que « [o]pposants et détracteurs du régime rwandais disqualifient ce travail par avance, estimant que la commission n’a rien d’indépendant et que les témoignages de militaires de l’ancien régime sont tout sauf indépendants, étant donné que certains d’entre eux sont encore en prison et que les autres craignent pour leur vie »[52]. Dans La Libre Belgique , Marie-France Cros rend compte de l’essentiel du rapport, une nouvelle fois sans assortir sa présentation de la moindre interrogation[53]. En revanche, Le Monde dit « craindre que la réconciliation franco-rwandaise ne s’opère au prix de l’étouffement progressif de l’enquête sur l’attentat (…). Le droit à la vérité sur les événements de 1994 doit prévaloir »[54]. Outre-Atlantique, Philip Gourevitch, inconditionnel avéré du régime FPR, se régale dans les pages de The New Yorker. Admettant lui-même que « I have not yet had time to absorb the new report and its multiple annexes in their entirety », il a « read around in it enough to offer some initial thoughts about this extraordinary historical and political document ». Il aurait mieux fait de lire et d’analyser convenablement le rapport, mais sa religion est faite après lecture sommaire. Ne voyant pas les nombreuses contradictions et supputations, il trouve que le rapport « lays out this story (exonérant le FPR et condamnant les extrémistes hutu) in remarkably convincing detail » et relève la « thoroughness and seriousness of the underlying investigation ». En affirmant que ceci montre le « new Rwandan government achieving a level of sophistication, skill, and effectiveness in commanding international respect that has rarely, if ever, been seen before in Africa », Gourevitch montre une fois de plus son parti-pris[55]. Depuis ces premiers commentaires à chaud, certains au bord de la désinformation, il est a regretter que la presse d’information ait fait l’economie d’une analyse approfondie, sérieuse et équilibrée du rapport.
Conclusion
Même si l’on prenait pour argent comptant les témoignages sur lesquels se base le rapport, ce qu’il serait insensé de faire lorsqu’on voit le caractère sélectif de leur utilisation et la position de dépendance des « témoins », le travail de la commission Mutsinzi ne démontre strictement rien, et certainement pas que les missiles auraient été tirés à partir des environs de la résidence présidentielle par des éléments des ex-FAR. La technique utilisée par les commissaires est à chaque fois la même : sur base de supputations et d’hypothèses, souvent basées sur des contre-vérités patentes, elle avance des faits, et l’accumulation de ces « faits » permet ensuite de dégager une « vérité ». Malgré les critiques que l’on peut formuler au sujet de l’ordonnance du juge Bruguière, celle-ci a au moins le mérite de proposer des éléments concrets, qui peuvent être vérifiés, confirmés ou infirmés. Deux exemples : Bruguière cite nommément ceux qu’il soupçonne être les auteurs directs de l’attentat et il décrit le parcours des missiles utilisés pour le commettre. A l’opposé, le rapport Mutsinzi ne s’approche même pas de l’identification des auteurs, alors que le comité a entendu des dizaines de « témoins » ex-FAR (puisque, d’après le rapport, « tout le monde savait », on s’attendrait à voir au moins un nom de suspect) ; de même, après avoir dénombré un nombre d’hypothèses dont l’une exclut l’autre, le comité ne formule aucune proposition concluante concernant l’arme du crime.
Après le rapport de la commission Mucyo (Commission nationale indépendante chargée de rassembler les preuves montrant l’implication de l’Etat français dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994), celle du comité Mutsinzi est le second contre-feu rwandais face à l’instruction Bruguière. Souffrant des mêmes défauts que la commission Mucyo, ce contre-feu n’est tout simplement pas convaincant. Il s’agit d’une manipulation assez transparente, et il est gênant pour l’Afrique que le président de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, Jean Mutsinzi, ait présidé à cette comédie. Cela signifie-t-il que la seule vérité se trouve dans l’instruction Bruguière ? Certes non, mais la seule chose qui lui est opposé est un rapport politique et opportuniste d’une qualité plus que douteuse. Ce n’est qu’à travers le débat contradictoire, tel qu’il se tient d’habitude devant les juridictions, que la vérité sera connue. Tant l’instruction Bruguière que le rapport Mutsinzi (tout comme d’ailleurs le rapport Mucyo) mettent en cause des individus soupçonnés d’avoir commis des crimes. Ce serait donc naturellement la mission de la justice de trancher, au Rwanda et en France. Il est à craindre que nous n’aurons pas droit au règlement judiciaire de cette question dont l’importance est pourtant cruciale, puisque tout semble indiquer que les deux pays concernés sont prêts à sacrifier cyniquement la justice sur l’autel de la politique. Le peuple rwandais mérite mieux.
[1] République du Rwanda, Comité indépendant d’experts chargé de l’enquête sur le crash du 06/04/1994 de l’avion Falcon 50 immatriculé 9XR-NN, Rapport d’enquête sur les causes, les circonstances et les responsabilité s de l’attentat du 06/04/1994 contre l’avion présidentiel rwandais Falcon 50 N° 9XR-NN, Kigali, 20 avril 2009. Le rapport peut être trouvé en français, anglais et kinyarwanda sur http://mutsinzirepo rt.com.
[2] Fondation Hirondelle, “Rwanda/enquête – Le rapport sur l’assassinat d’Habyarimana remis au gouvernement”, Kigali, 7 mai 2009.
[3] “Rwanda/Attentat du 6 avril 1994 – L’enquête qui accuse les extrémistes hutu”, Continental Magazine, 4 décembre 2009.
[4] Référence au capitaine Paul Barril, qui n’a toutefois joué aucun rôle dans le lancement de cette instruction. C’est en effet la fille de J.P. Minaberry, un des membres de l’équipage, qui dépose plainte avec constitution de partie civile le 31 août 1997. D’autres familles de membres de l’équipage, ainsi que des membres de la famille du président Habyarimana se constitueront par la suite partie civile.
[5] Evidemment, le comité lui-même “s’est imposé la règle de rechercher constamment les preuves qui répondent aux critères d’objectivité, d’impartialité et de crédibilité” (p. 6).
[6] République du Rwanda, Commission nationale indépendante chargée de rassembler les preuves montrant l’implication de l’Etat français dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994, Rapport, Kigali, 15 novembre 2007. Le nom de cette commission, tout aussi “indépendante” que le comité Mutsinzi, est éloquent.
[7] Il était en mission au Cameroun.
[8] D’après le Colonel Aloys Ntiwiragaba (G2 à l’Etat-major des FAR), le Général Nsabimana fut informé de la mission par le ministre de la Défense lui-même des le 29 mars. Toujours d’après lui, Nsabimana serait venu après cette annonce se faire prendre des photos passeport dans la section Photo du bureau G2 pour l’établissement de son passeport diplomatique. Je ne dis pas que je préfère cette version à celle du comité, mais ce dernier –en ne puisant qu’aux sources qui l’arrangent– ne permet pas de trancher.
[9] Italiques ajoutées. En effet, le comité doit constamment naviguer entre, d’une part, montrer que certaines personnes (dont Nsabimana, voire même Habyarimana) devaient être éliminées pour pouvoir commettre le génocide en toute tranquillité, et d’autre part, éviter de les présenter comme les victimes de leur opposition au projet génocidaire. Dans la même veine, le témoin Tharcisse Nsengiyumva, “simple caporal des FAR”, dit avoir appris du major Kazenga que “Bagosora (…) a décidé d’envoyer Nsabimana parce que celui-ci, de même que le président Habyarimana dans une moindre mesure, étaient opposés à l’idée d’un génocide total” (p. 34; italiques ajoutées).
[10] Il est parfois question d’une seule boîte noire, le CVR (cockpit Voice Recorder), parfois des deux, la seconde étant le DFDR (Digital Flight Data Recorder).
[11] Par exemple Spérancie Mutwe, qui fut un temps responsable de la communication à la présidence de la République , dont il faut situer la “révélation” dans le cadre de la campagne anti-belge menée par le MRND (“la garde présidentielle a dû repousser par la force les paras belges qui tentaient de la (boîte noire) récupérer sur l’épave”, p. 48).
[12] Alors qu’il n’y en a qu’une, voir également plus loin.
[13] L. Marchal, Rwanda: la descente aux enfers, Bruxelles, Editions Labor, 2001, p. 111.
[14] Idem, p. 104.
[15] Idem, p. 107.
[16] Ntaribi Kamanzi, Rwanda. Du génocide à la défaite, Kigali, Editions Rebero, 1997, p. 131.
[17] Leave None to Tell the Story. Genocide in Rwanda, New York, Human Rights Watch, 1999, p. 130.
[18] Le rapport le signale d’ailleurs lui-même: “le CND n’est pas dans l’axe de la piste d’atterrissage, pourquoi donc chercher à le survoler?” (p. 85).
[19] Communication du 23 février 1996 de M. E. De Greef, à l’époque station manager d’Air France à Kigali.
[20] Au risque de susciter une controverse, il faut signaler que ces deux publicistes français ont systématiquement épousé la cause du FPR.
[21] Je ne peux évidemment pas savoir avec précision où l’avion a été touché.
[22] Il n’est plus question d’une RPG7.
[23] Il est évident que, même si certains Français en avaient été convaincus, l’ambassade n’aurait pas fait la bêtise de diffuser cette accusation par le répondeur automatique. Par ailleurs, Colette Braeckman, citée comme source par le rapport, n’évoque pas de répondeur automatique. D’après elle, lorsque l’épouse d’un des membres de l’équipage appelle l’ambassade, “un voix lui répond: ‘Ce sont les Belges qui ont tiré sur l’avion’” (C. Braeckman, Rwanda. Histoire d’un génocide, Paris, Fayard, 1994, p. 177).
[24] F. Reyntjens, Rwanda. Trois jours qui ont fait basculer l’histoire, Paris-Bruxelles, L’Harmattan-Institut Africain, 1995, p. 31.
[25] Mes sources au sein des ex-FAR affirment que même des propos oraux anti-Habyarimana auraient été impensables dans les installations militaires.
[26] On remarquera qu’il est question d’”affiner” ces préparatifs, alors que le rapport ne démontre nulle part avant que des préparatifs d’attentat de la part de Bagosora étaient en cours.
[27] Le Colonel Marchal, que j’ai interrogé à ce sujet, se dit étonné par cette affirmation. Il n’en a pas souvenir et estime que, si cela avait été le cas, il en aurait été mis au courant par la chaîne de commandement des observateurs militaires sous ses ordres. Il ajoute que pareille entorse aux dispositions de la KWSA lui aurait été signalée.
[28] Il faut cependant préciser qu’il s’agit d’un réseau Motorola; en revanche, d’après mes informations le réseau OPS était unique pour l’ensemble des FAR.
[29] F. Reyntjens, Rwanda. Trois jours…, op. cit., p. 27. J’y ajoute une référence à une annexe au livre d’Alexandre Goffin (Rwanda, 7 avril 1994: 10 commandos vont mourir, s.l., a.s.b.l. in memoriam “J’avais dix camarades”, 1995) qui reproduit un plan de Kigali avec indication des barrages mis en place quotidiennement, huit au centre ville et trois ailleurs.
[30] Qui n’est malheureusement pas précisée dans le rapport. Nous en ignorons donc la date et la référence, mais il s’agit vraisemblablement de cette évoquée par le comité à la page 149.
[31] F. Reyntjens, Rwanda. Trois jours…, op. cit., p. 45.
[32] Dans ce petit bout de phrase, le comité veut tout et son contraire: d’une part, il veut démontrer que les FAR avaient des SAM16; de l’autre, il ne veut pas admettre que le FPR en possédait. Or, si le FPR n’en possédait pas, les FAR n’auraient pas pu les récupérer. Un exemple d’ubgenge que seuls les Rwandais sont capables de produire…
[33] Alors que l’armée rwandaise, à la suite de l’armée belge, porte le rabat du côté droit, l’armée française le porte du côté gauche.
[34] D’après des sources ex-FAR se trouvant à l’étranger, mais qui n’ont pas été interrogées par le comité, la découverte des lanceurs était “un événement” qu’elle situent autour du 25 avril.
[35] La référence fournie par le comité est erronée: il s’agit de la page 218 du rapport et non pas de la page 271 des annexes.
[36] Document 6D11, p. 259 des annexes.
[37] On se rappellera qu’un des fils du président Habyarimana, Jean-Luc, décrit à Jeune Afrique “les trajectoires lumineuses des fusées depuis Masaka”, bien avant que les lanceurs y furent découverts et que le FPR soit mis en cause. Ou fait-il supposer qu’il ait fait partie de la conspiration visant l’assassinat de son père?
[38] Defence Academy of the United Kingdom, Cranfield University, Investigation into the crash of Dassault Falcon 50 registration number 9XR-NN on 6 April 1994 carrying former President Juvénal Habyarimana, 27 février 2009.
[39] Idem, p. 15.
[40] Idem, p. 7.
[41] Idem, p. 31.
[42] Idem, p. 8.
[43] Idem, p. 9.
[44] Idem, p. 32.
[45] Idem, p. 32.
[46] Dans la même veine, le ministre de la Justice Alphonse Nkubito avait exprimé l’intention de demander une enquête internationale, par l’entremise du représentant des Nations-Unies au Rwanda. Kagame avait réagi furieusement à l’idée qu’il avait fait enterrer.
[47] Quelques titres dans le quotidien The New Times, qui est le porte-voix du président Kagame, l’illustrent: “The plane crash report clears the mystery” (11 janvier 2010); “Habyarimana killed by his own forces. The truth revealed in Habyarimana’s death” (12 janvier 2010); “Mutsinzi Report finally puts end to speculation” (12 janvier 2010).
[48] “RDF welcomes Mutsinzi report”, The New Times, 13 janvier 2010; “Genocide survivors’ groups welcome plane crash report”, The New Times, 14 janvier 2010.
[49] C. Braeckman, “Rwanda. Kigali a mené l’enquête sur l’attentat qui a tué l’ex-président rwandais”, Le Soir, 14 décembre 2009.
[50] Alors que le rapport était accessible à tout le monde sur internet…
[51] C. Braeckman, “Habyarimana a été abattu par les siens”, Le Soir, 7 janvier 2010. Ce titre dit tout et il n’est même pas mis entre guillemets.
[52] C. Ayad, “Rwanda: le rapport qui contredit la justice française”, Libération, 8 janvier 2010.
[53] M.-F. Cros, “Rwanda. Habyarimana a été ‘tué par les siens’”, La Libre Belgique , 8 janvier 2010. Contrairement à Colette Breaeckman, Marie-France Cros a l’intelligence de mettre des guillemets.
[54] “Retour au Rwanda”, Le Monde, 9 janvier 2010.
[55] P. Gourevitch, “The Mutsinzi Report on the Rwandan Genocide”, The New Yorker, 8 janvier 2010.
The Truth can be buried and stomped into the ground where none can see, yet eventually it will, like a seed, break through the surface once again far more potent than ever, and Nothing can stop it. Truth can be suppressed for a "time", yet It cannot be destroyed. ==> Wolverine
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I am Jean-Christophe Nizeyimana, an Economist, Content Manager, and EDI Expert, driven by a passion for human rights activism. With a deep commitment to advancing human rights in Africa, particularly in the Great Lakes region, I established this blog following firsthand experiences with human rights violations in Rwanda and in the DRC (formerly Zaïre) as well. My journey began with collaborations with Amnesty International in Utrecht, the Netherlands, and with human rights organizations including Human Rights Watch and a conference in Helsinki, Finland, where I was a panelist with other activists from various countries.
My mission is to uncover the untold truth about the ongoing genocide in Rwanda and the DRC. As a dedicated voice for the voiceless, I strive to raise awareness about the tragic consequences of these events and work tirelessly to bring an end to the Rwandan Patriotic Front (RPF)'s impunity.
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Genocide masterminded by RPF
Finally the well-known Truth Comes Out.
After suffering THE LONG years, telling the world that Kagame and his RPF criminal organization masterminded the Rwandan genocide that they later recalled Genocide against Tutsis. Our lives were nothing but suffering these last 32 years beginning from October 1st, 1990 onwards. We are calling the United States of America, United Kingdom, Japan, and Great Britain in particular, France, Belgium, Netherlands and Germany to return to hidden classified archives and support Honorable Tito Rutaremara's recent statement about What really happened in Rwanda before, during and after 1994 across the country and how methodically the Rwandan Genocide has been masterminded by Paul Kagame, the Rwandan Hitler. Above all, Mr. Tito Rutaremara, one of the RPF leaders has given details about RPF infiltration methods in Habyarimana's all instances, how assassinations, disappearances, mass-slaughters across Rwanda have been carried out from the local autority to the government,fabricated lies that have been used by Gacaca courts as weapon, the ICTR in which RPF had infiltrators like Joseph Ngarambe, an International court biased judgments & condemnations targeting Hutu ethnic members in contraversal strategy compared to the ICTR establishment to pursue in justice those accountable for crimes between 1993 to 2003 and Mapping Report ignored and classified to protect the Rwandan Nazis under the RPF embrella . NOTHING LASTS FOREVER.
Human and Civil Rights
Human Rights, Mutual Respect and Dignity
For all Rwandans :
Hutus - Tutsis - Twas
Rwanda: A mapping of crimes
Rwanda: A mapping of crimes in the book "In Praise of Blood, the crimes of the RPF by Judi Rever
Be the last to know: This video talks about unspeakable Kagame's crimes committed against Hutu, before, during and after the genocide against Tutsi in Rwanda.
The mastermind of both genocide is still at large: Paul Kagame
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Mass murderers C. Sankara
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Prof. Christian Davenport Michigan University & Faculty Associate at the Center for Political Studies
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Everything happens for a reason
Bad things are going to happen in your life, people will hurt you, disrespect you, play with your feelings.. But you shouldn't use that as an excuse to fail to go on and to hurt the whole world. You will end up hurting yourself and wasting your precious time. Don't always think of revenging, just let things go and move on with your life. Remember everything happens for a reason and when one door closes, the other opens for you with new blessings and love.
Hutus didn't plan Tutsi Genocide
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